lundi 24 septembre 2012

Redémarrer l’économie : Nos apprentis sorciers à l’œuvre















La banque centrale des États-Unis (Fed), n'a absolument aucune idée de ce qu'il convient de faire pour sortir l'économie américaine de l'ornière, a déclaré, très candidement, un de ses dirigeants, Richard Fisher.

"La vérité, cependant, est que personne au sein du Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) ni de la banque centrale ne sait réellement ce qui entrave l'économie", a déclaré M. Fisher dans un discours à New York, selon le texte de son allocution distribué à la presse. "Personne ne sait ce qui marchera pour remettre l'économie sur la bonne voie", a ajouté M. Fisher, président de l'antenne de la Fed à Dallas, au Texas (sud des Etats-Unis).

http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2012/09/20/selon-l-un-des-ses-dirigeants-la-fed-est-demuni-pour-repondre-a-la-crise_1762648_3222.html?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter#xtor=RSS-3208001


Cette déclaration faisait suite à l’annonce, par le Fed, d’une nouvelle mesure d’assouplissement quantitatif monétaire (la 3ième) qui consiste à imprimer encore des piles de billets de banque additionnels (40 milliards de dollars par mois) pour tenter de redémarrer l’économie.

Du côté européen, la confusion est tout aussi grande. Les mesures annoncées récemment par la Banque centrale européenne vont dans le sens de soutenir, sans aucune limite quant aux sommes en cause, les banques et prêteurs de façon à réduire le coût d’emprunt pour les États en situation difficile (Grèce, Espagne, Italie, Portugal… bientôt la France ?)

En fait, des deux côtés de l’Atlantique, nos dirigeants, à la tête de grandes institutions bancaires et politiques, jouent les « apprentis sorciers ». Leurs décisions déchaînent des évènements en cascade qu'ils ne pourront maîtriser ; c’est typique de la fuite en avant.

http://www.les-crises.fr/crime-illimite/


Tout se passe comme si…

Un célèbre professeur d’économie, qui m’a enseigné et qui est devenu par la suite Premier ministre du Québec, utilisait souvent la formule « Tout se passe comme si… » pour ouvrir une parenthèse visant à nous faire comprendre, par analogie, des concepts, à première vue, complexes.

Tout se passe comme si un chirurgien opérait, à répétition, un patient mal en point, sans avoir posé, au préalable, un diagnostic clair. La semaine dernière, il a procédé à une greffe de foie (engorgement dû à une consommation excessive ?); la semaine d’avant, le patient avait eu droit à une transplantation des poumons (essoufflement attribuable à un surpoids dû à l’endettement ?). Au programme cette semaine : une intervention au cerveau ; un électrochoc, question de régénérer le sentiment de confiance. Vous seriez inquiets devant une telle approche et avec raison. Pourtant, c’est ce qui se passe actuellement du côté des tentatives de redémarrage de l’économie.

Tout se passe comme si…

Ah Oui…la photo du feu de camp au début de cette publication…Pourquoi ?

Tout se passe comme si on avait érigé un superbe bûcher (feu de camp) et qu’on a de la difficulté à redémarrer le feu, après un fort coup de vent qui l’a presque éteint. On a essayé, à plusieurs reprises, la technique du bois d’allumage (on imprime plus de billets de banque). On a bien eu une embellie (coûts d’emprunts à la baisse, marchés boursiers à la hausse), mais ça n’a duré que quelques minutes, puis le feu s’est presque éteint de nouveau.

On approche de la pénurie de bois d’allumage. Nos apprentis sorciers s’apprêtent à faire gicler, sur le feu, une dose de naphta (accélérant). Une opération très dangereuse…

En fait, le feu ne redémarre pas parce que, pour bien alimenter un feu, il faut du bois et de l’oxygène. Pour permettre à l’oxygène de circuler dans le bûcher il faut quelquefois défaire et refaire la structure du bûcher. Qu’est-ce qu’on attend pour prendre les décisions courageuses et responsables qui changeront, véritablement et durablement, les pratiques et la gouvernance qui ne répondent plus aux enjeux d’aujourd’hui ?

Au plaisir de lire vos commentaires.

Normand de Montigny

« Entreprendre, encore et toujours »

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Dans une prochaine édition : De l’Homo œconomicus à l’Homo panicus

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mercredi 19 septembre 2012

Croissance: Stop ou encore ?

 






(Dans la série Pourquoi ? Pour Qui ? … une première publication sur la Croissance)

L’année 1972 (40 ans déjà) a marqué l’évolution de notre petite planète.

Richard Nixon effectue la première visite d’un président américain dans la Chine communiste de Mao; ce sera le début d’un dialogue, pas toujours facile, il est vrai.

Septembre 1972 voit le monde s’arrêter pour assister à La Série du siècle (8 matchs de hockey) entre le Bloc soviétique (U.R.S.S.) et le Canada. L’enjeu : la suprématie dans ce sport.

Nous assistons, ébahis, en direct, à des sorties, en 4 roues, d’astronautes (Apollo 16 et 17) sur le sol lunaire. Nous avons même droit au premier élan de golf sur la lune.

Beaucoup moins spectaculaire, mais tout aussi important pour notre avenir, le Club de Rome publie « Les limites de la croissance » un rapport commandé auprès d’un groupe d’experts dirigé par Dennis Meadows de l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT). Le constat est à la fois simple et imparable : la croissance infinie, dans un monde aux ressources limitées, est impossible.

Pour illustrer la notion de croissance exponentielle, Meadows utilise l’exemple du nénuphar :

Sachant qu'un nénuphar double sa surface tous les jours et qu'on suppose qu'il faudrait 30 jours pour couvrir intégralement un étang en étouffant toute autre forme de vie aquatique, si on veut limiter la croissance à la moitié de l'étang, pendant 29 jours on n'aura pas à s'occuper de cette croissance, mais ce jour là, il ne restera qu'une journée pour sauver l'étang.

L’équipe Meadows, à l’aide d’un modèle mathématique, met en confrontation deux boucles positives de croissance (production industrielle et population mondiale) et trois boucles négatives qui freinent la croissance (famine, pollution et épuisement des ressources).

Suite à la production de nombreux scénarios, la conclusion tombe… Dans tous les cas, il y a éventuellement rupture (entre l’année 2030 et 2050) soit par manque de ressources naturelles, haut taux de pollution ou pénurie alimentaire. Dit autrement, les tentatives pour résoudre, par la technologie, des problèmes tels que l'épuisement des ressources, la pollution ou la pénurie alimentaire n'ont aucune incidence sur l'essence même du problème: la croissance exponentielle dans un système complexe et fermé.

Le rapport du Club de Rome, publié en 1972, met de l’avant la notion de développement durable et d’équilibre global à maintenir dans l’écosystème. C’est une petite révolution dans un monde dopé par la consommation et la croissance économique.

Il est assez rare de pouvoir confronter un auteur 40 ans après la publication de ses scénarios et prédictions. Je vous invite à lire l’entrevue accordée par Dennis Meadows, à l’occasion de la parution, en 2012, de la 3ième édition française de « Les limites de la croissance »

http://www.les-crises.fr/dennis-meadows-croissance/


La Croissance, Pourquoi ? Pour Qui ?

Depuis plusieurs mois déjà, nous assistons à un riche débat politique, notamment en Europe, sur la voie à suivre, Croissance versus Austérité, pour remettre l’Europe sur les rails et sortir, de l’impasse budgétaire, plusieurs gouvernements.

La France et son nouveau président ont opté pour la croissance économique pour tirer l’Hexagone de son bourbier. Le Royaume-Uni a opté pour l’austérité, un choix qui ne va pas sans grincements de dents.

La croissance économique (l’augmentation du produit intérieur brut) d’un pays est essentielle pour :

Répondre aux besoins d’une population en croissance

 Améliorer la qualité et le niveau de vie d’une population

 Générer des recettes fiscales additionnelles pour les administrations   publiques pour maintenir les services publics existants et les conditions de travail de leurs employés

La croissance économique, c’est un peu, beaucoup, ce à quoi carburent nos élites, nos politiciens : répondre aux aspirations sans cesse grandissantes d’une population (l’électorat) sans se soucier de la capacité de livrer, de façon durable, ces services additionnels. Le Québec regorge d’exemples sur lesquels nous reviendrons dans une autre publication.

Si la croissance économique nous apparaît légitime pour une nation donnée, comment concilier les aspirations de plus de 200 nations dans un monde aux ressources limitées ?

Si on en revient à l’étang et au nénuphar du début, est-ce qu’on peut se dire que nous en sommes au soir du 29ième jour ? Il n’est pas trop tard, mais il faudrait s’y mettre sérieusement.

Au plaisir de lire vos commentaires.

Normand de Montigny

« Entreprendre, encore et toujours »

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Dans la prochaine édition sur la Croissance : une analyse des ingrédients C + I + G + X – M





mercredi 5 septembre 2012

Notre sanctuaire économique québécois






Si vous n’avez jamais visité l’île Bonaventure en Gaspésie, je vous le suggère fortement. C’est très impressionnant de voir de près la plus importante colonie de Fous de Bassan dans le monde. Ils sont plus de 120 000 à y passer l’été, pour la période de reproduction et de nidification.

Dans ce véritable sanctuaire, Ils sont protégés des prédateurs et de l’intervention humaine. Le soir venu, tous les visiteurs doivent quitter l’île qui, par ailleurs, ne compte pas de résidents permanents. Un sanctuaire, selon le Petit Larousse, c'est un asile sacré et inviolable; un asile n'étant rien d'autre qu'un lieu où l'on se met à l'abri. Est-ce que cela ne décrit pas à la perfection notre modèle québécois figé depuis plus de 40 ans ?

Autant nos technocrates, incluant nos élites universitaires, se sont faits, dans les années ’80 et ’90, les chantres de la mondialisation de l'économie et des accords commerciaux internationaux, autant ils se réfugient aujourd'hui derrière les barricades des droits acquis, des conventions collectives, de la sécurité d'emploi bétonnée. Tout comme les banques canadiennes qui, au milieu des années '80, se sont prononcées en faveur de l'accord de libre échange avec les États-Unis, à la condition qu'elles en soient exemptées, notre secteur public exige des entreprises qu'elles soient compétitives à l'échelle internationale mais refuse de se soumettre au même exercice qui exigerait des ajustements importants au modèle québécois.

Notre secteur public québécois ressemble de plus en plus à une forteresse du Moyen-Âge. On accepte que, durant la journée, des occasionnels, des statuts précaires ou des travailleurs de l'économie sociale viennent, à l'intérieur de la forteresse, faire le ménage, préparer les repas, tout en apportant de l'eau et un peu de bois, mais, aussitôt le soir venu, on les expulse avant de remonter les ponts-levis jusqu'au lendemain. Nos élites sortent de moins en moins souvent de leur forteresse; ils disent ne plus avoir les moyens de se déplacer, mais il faut lire qu'ils craignent d'affronter une réalité qu'ils comprennent de moins en moins.

La forteresse coûte de plus en plus cher à opérer. Heureusement le Seigneur (l'État et les centrales syndicales) peut compter sur des censitaires (les contribuables) en grande majorité captifs ne pouvant quitter pour un ciel fiscal plus clément (On n'a pas tous un compte de la CIBC aux Îles Caïmans).

Peut-on raisonnablement penser que le sanctuaire économique québécois pourra encore longtemps puiser sans retenue dans les ressources économiques du pays (ça inclut la péréquation canadienne) tout en se délestant de nombreuses responsabilités ?

Peut-on raisonnablement penser que le sanctuaire économique québécois pourra encore longtemps ignorer ce qui se passe autour de lui, dans la vraie vie, ignorer les ajustements apportés par les autres gouvernements, ignorer la nouvelle génération que l'on expulse, sans ménagement, de la forteresse, le soir venu ?

Les lignes ci-dessus, je les écrivais en 1996, dans la foulée du grand Sommet sur l’économie et l’emploi du Québec, cette grande messe présidée par Lucien Bouchard, premier ministre du Québec. Ce sommet devait consacrer les ajustements à apporter, à notre merveilleux modèle québécois, par l’Alliance sacrée (État et Syndicats) qui nous gouverne sans interruption depuis 1976.

Les principales décisions (ajustements) du Sommet de 1996 furent :

- Introduction de l’assurance parentale : pour renouveler la base des contribuables dans 20 ans

- Implantation des Centres de la petite enfance (CPE) : pour renouveler la base des emplois syndiqués

- Chantiers de l’économie sociale : pour remplir, à moindre coût, en sous-traitance, les obligations de service du gouvernement

- Assainissement des finances publiques : atteinte du déficit zéro suite aux pressions des agences de notation (prêteurs internationaux)


Ces ajustements mineurs au modèle québécois, ont permis, une nouvelle fois, de pelleter par en avant et de reporter les véritables changements.

Qu’en sera-t-il en 2012 ou 2013 ? Nous aurons probablement à traverser un psychodrame collectif du même type qu’en 1996-1997. Le calendrier nous sera encore une fois imposé par des pressions externes.

La campagne électorale de l’été 2012 a, à peine, effleuré les enjeux qui nous attendent au tournant du chemin :

- Rétablir une base de prospérité (création de richesse) à la hauteur des services collectifs que l’on veut se donner (se donner, pas s’emprunter)

- Investir en éducation en allégeant les bureaucraties, tout en favorisant une plus grande adéquation avec les besoins du Québec

- Cesser d’investir en santé (c’est un puits sans fond). Alléger les structures et avoir le courage d’appliquer les correctifs visant à améliorer l’accès aux soins de santé

- Rétablir une équité intergénérationnelle : reprendre le contrôle de la dette publique et apporter les correctifs qui s’imposent quant aux obligations (employeurs et employés) liées aux programmes de retraites à prestation déterminée

- Favoriser une plus grande responsabilisation des québécois (moins de dépendance vis-à-vis des services publics) de façon à dégager une marge de manœuvre plus grande pour aider les personnes en difficulté

Le Fou de Bassan, quittera bientôt l’île Bonaventure pour son pèlerinage annuel dans le Sud (Mexique). Il voit bien qu’il partage le ciel avec d’autres espèces d’oiseaux et qu’il survole des contrées au relief accidenté. Mais pas de souci ! Il sait qu’il bénéficie d’une solide protection. Il vit sur une île. Il vit dans un sanctuaire.

Au plaisir de lire vos commentaires.

Normand de Montigny

« Entreprendre, encore et toujours »