dimanche 9 mars 2014

La langue de bois budgétaire : coupures, compressions, coûts de système, écart à résorber




Alors que s’amorce une nouvelle campagne électorale, j’ai pensé vous aider un peu, pour ceux que ça intéresse, à décoder le langage de nos politiciens, lorsqu’ils abordent les questions budgétaires.


Il faut dire, que de ce côté, la créativité de nos élus ne cessera jamais de m’étonner. Comme entrée en matière sur le thème de la langue de bois, je vous suggère de jeter un œil sur la chronique de Jean-Simon Gagné de Le Soleil. Faut-il en rire ou en pleurer…à vous de voir.

Au cours des prochains jours, nos politiciens vous parleront d’enjeux économiques, d’équilibre budgétaire, de compressions, de déficits, de coûts de système, etc…Pas facile de s’y retrouver.

C’est sans compter les plus récentes trouvailles. On se rappellera, l’automne dernier, lors de la mise à jour budgétaire du Québec, un journaliste plus vaillant que la moyenne avait trouvé une perle (de plusieurs centaines de millions de dollars), au bout d’une petite ligne d’une obscure annexe de l’imposant document. Une nouvelle créature était née : un écart à résorber. Non, ce n’est pas un revenu. Non, ce n’est pas une dépense. Ce n’est même pas un déficit. Mais, qu’est-ce que c’est ? C’est une manifestation de plus de la langue de bois.

Si un politicien vous parle de coupures ou de compressions budgétaires, n’allez surtout pas penser, dans un raisonnement tout simpliste, que le total après coupure ou compression, sera plus petit qu’avant. C’est très rarement le cas. Ce que le politicien veut vous dire, c’est que des efforts seront faits pour couper ou réduire là où c’est possible.

Pour comprendre l’expression « Là où c’est possible », il faut d’abord vous expliquer l’expression « Coûts de système » très utilisée dans les administrations publiques. Un coût de système, c’est ni plus ni moins, une dépense qui augmente sans qu’on ne puisse rien y faire. Ça peut représenter plus de 80% des dépenses en santé et en éducation. Ce sont les conventions collectives, le vieillissement de la population, l’augmentation des clientèles à besoins plus lourds ou plus complexes, l’augmentation inattendue de clientèle de nouveaux programmes, le réchauffement climatique qui produit plus de désastres. Je pourrais poursuivre ainsi sur plusieurs lignes ; c’est sans fin.

Les « Coûts de système », c’est un peu comme une boîte noire qu’on ne peut ouvrir, ou les tables de la loi de Moïse, ou, pour les non croyants, un code que nous aurait laissé une civilisation extra-terrestre. Ça fonctionne tout seul, ça ne s’explique pas. On ne peut rien y changer.

Vous aurez compris que tout nouvelle administration publique, qui arrive au pouvoir, est rapidement informée de cette réalité. On ne touche pas au système. Le peu qui reste, la marge de manœuvre, est très limitée, sauf pour un téméraire qui voudrait briser les tables de la Loi de la Sainte Alliance qui gouverne le Québec depuis les années ’70.

Un exemple en éducation

D’entrée de jeu, je vous dirai que je suis de ceux qui croient que notre avenir comme société passe par l’éducation. Je me suis engagé dans la mise sur pied d’un programme de persévérance scolaire et je contribue également à un comité de gestion d’une école secondaire.

Lorsque je reçois mon compte annuel de taxes scolaires, je paie sans me poser trop de question ; c’est un bon investissement.

Toutefois, depuis 3 ou 4 ans, ma commission scolaire, dans ses publications ou sorties media a sonné l’alarme des compressions et des coupures. Le langage utilisé, avec une dramatisation croissante, m’a interpellé : compressions budgétaires de plusieurs millions imposées par le gouvernement, des coupures dans les services directs aux élèves, le point de rupture est atteint, etc..

Il faut que je m’en mêle. Après plusieurs mois de démarches, j’ai obtenu, de ma commission scolaire, les états financiers complets des 4 plus récentes années. Voici les grandes lignes :


 Les subventions gouvernementales, loin de reculer, ont augmenté au rythme annuel moyen de 2,5%

 Les subventions gouvernementales par élève ont augmenté au rythme annuel moyen de 2,3%

 Le nombre d’employés divisé par le nombre d’élèves a augmenté au rythme annuel moyen de 3,1%

 Pendant ce temps, le taux d’inflation général de la région a augmenté de 1,8% en rythme annuel moyen

Il n’y a pas là trace de coupure ou de compression. Seulement une progression
« normale » attribuable aux « Coûts de système ».

On se demandera ensuite pourquoi le citoyen est de plus en plus cynique envers les politiciens, à tous les niveaux. Vous comprenez maintenant le choix de l’image placée au début de ma chronique.

En terminant, une petite dernière application de la langue de bois. Vous entendrez parfois l’expression « croissance négative ». Il y a pourtant un mot qui existe déjà pour exprimer cette réalité ; c’est décroissance. Mais, vous ne verrez pas ça de sitôt dans l’administration publique.


Au plaisir de lire vos commentaires.

Normand de Montigny

« Entreprendre, encore et toujours »