lundi 19 novembre 2012

Le véreux, le rusé et le valeureux

 



La chaîne alimentaire du Québécois : Qui bouffe Qui



Les récents événements, Printemps « érable » et Commission Charbonneau, ont mis en vedette des individus qui occupent une place de choix dans la chaîne alimentaire du Québécois.

Il y a toujours quelqu’un, de plus fort, de plus vite, de plus rusé, pour vous bouffer, sauf pour celui qui occupe le plus haut rang dans la chaîne alimentaire. Tout au bas de la chaîne, on retrouve, en très grand nombre, de petits organismes dont le destin est de travailler, de payer des impôts et de mener une vie heureuse, jusqu’au moment où son prédateur y mettra fin.

Le Véreux (Grand requin, Thon, Espadon)

Tout en haut de la chaîne alimentaire, le Véreux.

Dans cette catégorie on retrouve le Grand requin. Un Vincent Lacroix ou un Earl Jones, à vous de choisir. Foncièrement malhonnête, il empoche sans scrupule et sans distinction. Le remords, il ne connaît pas. La sentence est minime, du moins au Québec. Il faut être prêt à passer 2 ou 3 ans dans un établissement fédéral. Évidemment, vous aurez mis à l’abri vos millions détournés, qui vous attendront à la sortie. Il y a quelques contraintes, mais vous serez logé, nourri et habillé gratuitement et, si vous tombez malade, vous serez traité en priorité à l’urgence de l’hôpital du coin et aurez droit à une chambre privée.

D’une gourmandise sans retenue, le Thon, c’est l’entrepreneur en construction (inclut les firmes de génie conseil) qui truque les appels d’offres. Il fait monter le prix des contrats de 30 à 35%, ce qui lui donne une bonne marge de manœuvre pour exprimer sa générosité (celle du contribuable floué) envers ses « amis » fonctionnaires et politiciens corrompus. Pour certains d’entre eux, il y a un moment désagréable à passer devant la Commission Charbonneau, mais ça donne droit à une invitation de Guy A. Lepage (Tout le monde en parle) où on vous applaudira chaleureusement. Qui sait, on vous réinvitera peut-être pour le lancement de votre livre (succès d’édition garanti).

L’Espadon, a de la classe. Il sait apprécier les bonnes choses : billets d’hockey, parties de golf dans le Sud, bons repas au restaurant, bouteilles de vin livrées à domicile, contributions en cash, etc. Vous aurez reconnu notre fonctionnaire corrompu. Bien que bénéficiant d’une sécurité d’emploi bétonnée, d’un bon salaire, d’un fonds de pension à prestations déterminées indexé et financé en majeure partie par les contribuables, il est d’avis qu’un peu de reconnaissance ne nuit pas. J’oubliais, il a vendu, à sa fille, pour 1$, sa luxueuse résidence de banlieue. Il se fera oublier et encaissera scrupuleusement, à chaque mois, sa pension de la ville. Peut-être, deviendra-t-il, dans quelques années, consultant en éthique et déontologie.

Le Rusé (Les petits poissons)

Au milieu de la chaîne alimentaire, vivent une panoplie d’espèces qui arrivent à survivre en usant de tous les astuces et privilèges permis ou tolérés.

Dans la barrière de corail, vivent les espèces protégées, à l’abri des tempêtes et des grands courants. Les règles du jeu sont connues et quasi-immuables. La nourriture abondante. Ces espèces peuvent compter sur un sous-prolétariat (Les Valeureux) et une pratique bien maîtrisée d’aveuglement volontaire. Vous aurez reconnu notre sanctuaire économique québécois.

Dans la catégorie des petits poissons, on retrouve également, en grand nombre, le simple citoyen qui a compris et adopté l’approche du clientélisme politique. Il demande des services additionnels à l’État, tout en s’assurant qu’il n’aura pas à les payer (ou très peu). Le politicien ne demande pas mieux. Les deux s’entendent, comme larrons en foire, pour faire payer à d’autres (idéalement les générations futures ou les maudits riches, ou les épargnants) la facture, qui pour le moment est placée sur notre carte de crédit collective (la dette).

Dans ce banc de poisson, on retrouve tous ces petits rusés qui, à leur échelle, abusent du système : faillite frauduleuse, contrebande de cigarettes, diagnostics médicaux complaisants, cadeaux des pharmaceutiques aux médecins et pharmaciens, vrais reçus de faux dons de charité, plants de marijuana, marché aux puces « pas de taxes », paradis fiscaux, planification fiscale agressive, etc.. C’est sans fin. « Que celui qui n’a jamais péché lance la première pierre » a déjà dit quelqu’un de célèbre.

Rappelez-vous la série télévisée « Les Bougons, c’est aussi ça la vie » . Nous sommes au pays de la magouille et du petit larcin. C’est sans conséquence ; à la limite, c’est sympathique. C’est de l’entrepreneurship atypique. L’idée, c’est d’en profiter pendant que ça passe, de payer le moins d’impôt possible et de s’en remettre aux gouvernements pour assurer nos vieux jours.

Le Valeureux (Plancton, Krill)

Le Plancton représente 50% de la matière organique de notre planète. C’est la base de notre chaîne alimentaire. On parle ici du travailleur salarié au revenu modeste. Son employeur, une PME, se débat dans un monde de plus en plus concurrentiel, où les produits importés remplacent la production locale, où la grande chaîne de distribution asphyxie irrémédiablement le commerce familial.

Notre Plancton vit quotidiennement dans la double incertitude. Est-ce que son employeur sera encore là demain ? Et, si oui, est-ce qu’il y aura encore un emploi pour lui ?

Notre travailleur, quitte son 4 ½ de Villeray tôt le matin, laisse ses enfants à l’école et prend le métro. Ce matin, il sera en retard, le service du métro est interrompu ; une bombe fumigène a été lancée sur les rails. C’est le printemps « érable ».

Les vacances estivales arriveront bientôt. Son épouse et lui ont fait des calculs hier soir; ils se demandent comment ils arriveront à mettre de côté quelques centaines de dollars pour un petit voyage en Gaspésie avec les enfants. Le mois passé, une dépense imprévue (le dentiste) est venue chambouler le budget. C’est sans compter Simon, le plus jeune, qui veut avoir un I Pod (tous ses amis en ont un) et à qui on doit toujours dire « Plus tard, Simon ».

Au retour, à la fin d’une journée exténuante, notre Plancton salue, son voisin, Monsieur Bougon, un Rusé, qui, assis sur son balcon, calle une X ième bière.

Après avoir aidé les enfants à faire leurs devoirs scolaires et leur avoir lu une histoire, nos valeureux parents, fiers d’une autre journée bien remplie, s’apprêtent à relaxer. C’était sans compter sur la procession de casseroles qui vient d’entreprendre sa sortie quotidienne et qui passe sous leurs fenêtres.

Le monde des Valeureux, c’est aussi celui du Krill. On parle ici des personnes âgées, qui, pour maintenir un niveau de vie décent, doivent compter sur un capital accumulé, au fil d’une discipline d’épargne sur plusieurs décennies. Ce sont pour la plupart d’ex-travailleurs qui n’ont pas de régime de pension à prestation déterminée. Depuis plus de 5 ans, le Krill, qui n’a pas de Plan B, assiste à l’érosion de ses revenus, conséquence directe d’une diminution importante des taux d’intérêt sur l’épargne.

Nous verrons, dans une publication à venir, comment l’aveuglement volontaire de gouvernements irresponsables a conduit à cette détérioration des conditions de vie d’épargnants responsables.

Nos Valeureux font preuve de courage. On dit d’eux qu’ils représentent la majorité silencieuse. Il ne faudrait pas qu’ils décrochent. Toute la chaîne alimentaire en ressentirait les effets, incluant le Véreux tout en haut.

Au plaisir de lire vos commentaires.

Normand de Montigny

« Entreprendre, encore et toujours »

















lundi 12 novembre 2012

La recette de la croissance économique : C + I + G + X - M






(Dans la série Pourquoi ? Pour Qui ? … une deuxième publication sur la Croissance)



Il y a quelques semaines, dans une première publication sur la croissance, nous faisions un retour sur l’incompatibilité pourtant évidente entre la poursuite d’une croissance infinie dans un monde aux ressources limitées.
Nos élites politiques n’en continuent pas moins de carburer en fonction d’objectifs de croissance économique. Tous les jours, nous sommes bombardés de résultats ou de prévisions de croissance économique des divers pays. Le principal indicateur utilisé et accepté par tous est celui du Produit intérieur brut (PIB). Il mesure la taille d’une économie. Par ricochet, il mesure la richesse.

Le PIB ne reflète toutefois pas le bien-être d’une nation. Nous aurons l’occasion, dans une autre publication, d’aborder les nouveaux indicateurs qui incorporent des composantes sociales et qualitatives tout autant qu’économiques.

La variation du PIB est l’indicateur de la croissance ou de la décroissance d’une économie. C’est une statistique mensuelle très suivie à travers le monde. On dit d’un pays, qui connaît deux trimestres consécutifs de croissance nulle ou négative de son PIB, qu’il entre en récession.

Le PIB se bâtit en fonction de différents ingrédients et la proportion de ceux-ci peut varier d’un pays à l’autre et même, pour un pays donné, varier de façon significative dans le temps. C’est ce qui se produit actuellement pour le Québec.

En fait, le PIB est constitué de quatre composantes qui propulsent à des degrés variables l’économie ; ce sont :

La Consommation (C)

L’Investissement (I)

Les Dépenses gouvernementales (G)

Le Commerce extérieur (X-M)

C’est là la recette de la croissance économique. PIB = C + I + G + (X-M)

L’économie au noir ne figure pas dans l’équation. Dans certains pays, cette activité illicite peut représenter plus de 25% de la production officielle.

La Consommation (C)
La composante la plus importante (63% du PIB au Québec en 2009) ; elle regroupe la production de tous les biens et services achetés par les consommateurs.

En septembre 2008, au plus fort de la tempête financière qui secouait les Etats-Unis, le président Georges W. Bush, sortait tous les matins, sur la pelouse de la Maison Blanche, pour adresser un message aux Américains : « Ayez confiance, consommez, tout va se replacer. L’Amérique est forte ». On connaît la suite.

Pour s’assurer de maintenir le flux de consommation, plusieurs techniques ont fait leur preuve :

 Faciliter le crédit à la consommation, jusqu’à la faillite s’il le faut

 Créer des besoins, quelquefois à la faveur d’innovations futiles

 Provoquer une désuétude accélérée des produits (électronique et logiciels)

L’Investissement (I)
Une composante qui fluctue beaucoup d’une année à l’autre (20% du PIB au Québec en 2009). On y retrouve les investissements privés (ex. : construction résidentielle) et les investissements gouvernementaux (ex. : construction de routes).

Montréal connaît actuellement une forte progression des investissements privés à la faveur de la construction de plusieurs tours de condos.

Les entreprises qui investissent dans de nouveaux équipements et technologies contribuent ainsi à la croissance économique.

Comme nous l’avons vu dans une publication antérieure, l’effondrement du viaduc de la Concorde à Laval en septembre 2006 a enclenché une augmentation considérable des investissements en infrastructures routières au Québec pour les 5 années suivantes.

Les Dépenses gouvernementales (G)
L’État occupe une place importante dans l’économie du Québec (24% du PIB en 2009). On entend même quelquefois l’argument qui veut que, si le Québec s’en est mieux tiré que d’autres ces dernières années, c’est à cause de l’importance de notre secteur public. J’en aurais long à dire là-dessus. Je me contenterai de rappeler que nous sommes toujours en période de déni au Québec quant à notre capacité de payer tous ces services et programmes que nous avons ajoutés ces 15 dernières années.

En 2001, le sympathique Georges W. Bush, au lendemain de l’attaque terroriste du 11 septembre, sortait sur la pelouse de la Maison Blanche et adressait aux Américains, le message suivant : « Nous les traquerons partout dans le monde et obtiendrons justice ». Les porte-avions prenaient le large dans les jours suivants.

Les dépenses militaires représentent une part importante du PIB américain. L’histoire regorge d’exemples où des pays se sont sortis d’une crise économique à la faveur d’une guerre qui a mobilisé la nation et relancé la production.

Idi Amin Dada, le sympathique président de l’Ouganda (1971-1979) féru de la 2ième guerre mondiale et enviant la situation économique du Japon et de l’Allemagne (2ième et 3ième économies mondiales), a dit un jour : « Pour sortir notre pays du marasme économique, il faudrait déclarer la guerre aux Etats-Unis et s’assurer de perdre cette guerre ».

La Consommation et les Dépenses militaires sont les deux biceps de l’Amérique. Ne vous y trompez pas. Aux Etats-Unis, consommer n’est pas moins patriotique que la défense armée du territoire. 

Commerce extérieur (X-M)
Pour un pays dont le marché intérieur est relativement peu important (seulement 35 millions d’habitants au Canada), il est important d’exporter (X), d’exporter beaucoup, beaucoup plus que ce qu’il importe (M). C’est ce qu’on entend par Balance commerciale

(X-M). On dit qu’elle est positive lorsque les exportations sont supérieures aux importations.
Au Québec, la balance commerciale (X-M) représentait, en 2009, - 6% du PIB. Depuis quelques années, le Québec importe plus qu’il n’exporte. Nous connaissons tous les embûches qu’ont connues nos exportations de bois d’œuvre vers le marché américain. Bien plus, les exportations en provenance de la Chine ont remplacé plusieurs produits canadiens sur le marché américain, principal client du Canada.

Le Plan Nord vise à générer des exportations additionnelles pour retourner le plus tôt possible vers une balance commerciale positive.

L’exploitation pétrolière et du gazière de schiste sur le territoire québécois vise à diminuer les importations, toujours dans la même perspective de redresser la balance commerciale.

La recette évolue dans le temps
S’il est vrai que les ingrédients de la recette sont toujours les mêmes (C + I + G + X - M), les proportions évoluent dans le temps. Un pays qui ne s’ajuste pas peut rapidement voir sa situation se détériorer.
On prévoit, qu’en 2020, la classe moyenne chinoise regroupera 600 millions de consommateurs. Le marché intérieur chinois prend déjà la relève d’une partie des exportations chinoises qui étaient destinées à une Europe en récession.

Le « Made in USA » fait un retour en force. Le 2ième mandat du président Obama visera à redonner à des millions d’Américains la perspective d’un travail, voire d’une carrière, dans le secteur manufacturier. Les Etats-Unis ambitionnent de redevenir l’usine du monde.

Qu’en est-il du Québec ?


Au plaisir de lire vos commentaires.


Normand de Montigny


« Entreprendre, encore et toujours »