mercredi 31 octobre 2012

Le Pouvoir de Gaspard













Il y a deux ans, je l’ai croisé au détour d’une allée dans un centre de jardinage. Rien ne me préparait à cette rencontre. Est-ce son sourire sincère ou sa dégaine détendue qui m’ont fait ralentir le pas ? Toujours est-il que ce jour-là Gaspard Tremblay est entré dans ma vie, dans ses fonctions de nain de jardin thérapeutique.

Tous mes amis vous diront que les probabilités qu’une telle chose se produise étaient aussi élevées que celles de voir Guy A. Lepage s’installer à Hérouxville.

Très tôt le matin, une fois la cafetière mise en marche, au moment où j’ouvre mon deuxième œil, mon regard se pose sur le fond de ma cour. La scène est quasi-biblique : les premiers rayons du soleil (de mai à août) frappent, là et seulement là, sur Gaspard. Pas un bruit, pas un mot, mais le message est fort et clair :

« Don’t Worry, Be Happy ».

L’effet est instantané. S’il subsistait quelques séquelles de problèmes de la veille, elles disparaissent aussitôt. Bien plus, les problèmes qui se présenteront dans la journée sont déjà perçus comme mineurs, quasiment désamorcés. Le pouvoir thérapeutique de Gaspard est à la fois curatif et préventif. Les médicaments pour la haute pression artérielle ont pris le bord.

Mon nain de jardin tire son prénom d’un des trois rois mages, celui qui transportait l’encens et dont le nom signifierait « porteur d’un trésor ». Quant à son nom de famille (je m’excuse auprès de tous les Gaspard Tremblay – je sais qu’il y en a quelques-uns au Québec), je l’ai voulu très québécois, car à plusieurs égards il a quelque chose de nous, du moins une partie d’entre-nous.

Au-delà d’agir comme mon thérapeute personnel, Gaspard est avant tout un porteur d’eau.

Du matin au soir, pour aussi loin que notre souvenir peut remonter, il transporte de l’eau dans des demi-tonneaux. Il le fait tout en sifflotant, sans ressentir le fardeau, tout à son affaire et en sachant qu’il joue un rôle essentiel pour bien des gens.

Si on s’approche très près de Gaspard et qu’on le regarde directement dans ses petits yeux bleus, on tombe dans un vide sidéral. N’y cherchez pas de réponse, vous n’en trouverez pas, pour la bonne raison que Gaspard ne se pose pas de questions….Aucune.

Gaspard ne se pose pas les questions existentielles du type :

 L’œuf ou l’enveloppe (La Poule aux œufs d’or – 890 000 téléspectateurs)
 Offre acceptée ou refusée (Le Banquier – 2 200 000 téléspectateurs)
 Crémeuse ou traditionnelle (Restaurant Saint-Hubert - 35 millions de repas par année)
 Une facture ou pas de facture (Travail au noir : 3,5 Milliards $ par année au Québec)

Gaspard ne se demande pas :

 D’où vient l’eau qu’il transporte ?
 Est-ce que les réserves sont encore abondantes ?
 À qui il livre l’eau ?
 Est-ce qu’il y aura toujours une demande ?
 Quels sont les concurrents ?
 Est-il payé à sa juste valeur ?

Gaspard Tremblay fait son boulot, dans la bonne humeur, aussi régulier qu’un métronome.


Les soucis ne l’atteignent pas. C’est là son secret. C’est là son pouvoir.



Au plaisir de lire vos commentaires.


Normand de Montigny

« Entreprendre, encore et toujours »










 

mardi 9 octobre 2012

Responsabilité 101


Dans mon texte d'ouverture de ce blogue, en août dernier, j’écrivais qu’un Québec responsable passait nécessairement par des Québécois responsables.

Une telle affirmation, dans un environnement où règne la culture du No-fault, détonne et, pour certains, peut sembler rétrograde.

La responsabilité se décline sur plusieurs niveaux, de l’individu, en passant par la famille, la collectivité locale, la communauté d’affaires, la société civile et l’État. La solidarité suit le même parcours; ce sera l’objet d’une autre publication.

Aujourd’hui, je me concentrerai sur la responsabilité individuelle, la base de tout.

Sur l’échelle de la responsabilité individuelle, l’installation d’un détecteur de fumée dans la résidence apparaît comme le minimum. À l’autre extrémité, la responsabilité de parent, la plus exigeante et la plus gratifiante.

Seulement 65% des foyers québécois remplacent annuellement les batteries de leurs détecteurs de fumée. Ces jours-ci, comme à chaque année, une vaste campagne publicitaire nous incite à nous assurer que nous disposons d’un détecteur de fumée fonctionnel. Il en coûte l’équivalent de 69 cigarettes (les légales, pas les indiennes) pour se procurer un détecteur et environ 12 cigarettes pour la batterie.

La Ville de Québec installe gratuitement les détecteurs de fumée dans tous les foyers de son territoire. Suffit d’en faire la demande ou d’attendre que les pompiers, dans le cadre de leur tournée de prévention, en prennent l’initiative.

La responsabilité individuelle, c’est aussi viser une autonomie au niveau de sa santé et de ses finances. C’est adopter des comportements et des pratiques qui non seulement minimisent les dépendances, mais, pourquoi pas, nous placent également en position d’aider ceux qui rencontrent des difficultés.

Deux exemples bien réels, tirés des faits divers publiés dans nos quotidiens :

Une demande de recours collectif a déjà été déposée (mais non accordée) aux États-Unis, à l’encontre de la chaîne de restauration McDonald sur la base que les clients étaient entraînés, malgré eux, à consommer des produits trop gras. C’est un exemple de déni de responsabilité individuelle. Bien évidemment, McDonald ne kidnappe pas ses clients sur la rue. Ils franchissent librement la porte. La responsabilité individuelle, c’est assumer ses choix.

Il y a quelques années, un individu qui venait d’être condamné à une peine d’emprisonnement de 2 ans moins 1 jour, par un juge québécois, est intervenu pour demander que sa sentence soit quelque peu alourdie pour lui permettre de purger sa peine dans une institution fédérale plutôt que provinciale. Son argument : les programmes de formation offerts par l’établissement fédéral lui permettraient une meilleure intégration dans la société, au terme de sa peine. Il s’agit là d’un bel exemple de responsabilité individuelle. Contre toute attente, le juge a acquiescé à la demande. L’histoire a fait le tour du monde.

Récemment, au bulletin de nouvelles de RDI, dans le cadre d’un reportage sur un accident mortel (une seule voiture, un seul conducteur) survenu en Estrie, j’entendais ce qui suit : « La vitesse et l’alcool seraient responsables de l’accident ». Il faut croire que le conducteur dormait sur le banc d’en arrière et que Vitesse-alcool était au volant au moment de l’accident !!! Soyez attentifs, vous verrez, il n’est pas rare de voir un tel transfert de responsabilité (du moins dans le discours) d’un humain vers des circonstances, des facteurs, un paysage…n’importe quoi.

À l’autre extrémité de la responsabilité individuelle, la responsabilité parentale. La plus belle, la plus exigeante, elle s’inscrit dans l’intensité et dans la durée. Le parent est appelé à fournir à son enfant, un environnement, un encadrement (autre mot rétrograde) assurant sécurité, bien-être et épanouissement.

Tout au cours de l’été, de trop nombreux drames, impliquant des enfants, sont venus nous rappeler l’exigence de la sécurité. Disposant d’une grande réserve d’empathie, j’essaie de me mettre à la place des parents très durement éprouvés.

Là où je décroche, c’est lorsque le parent affligé, à la fin d’une entrevue, va immanquablement déclarer « Ça peut arriver à tout le monde ».

Il est vrai qu’il peut arriver à tout le monde de manquer d’attention pendant quelques secondes. Toutefois, dans plusieurs des cas rapportés, des enfants en bas âge ont été laissés à eux-mêmes, sans surveillance, dans des situations de danger imminent : sur le bord d’une rivière en crue, à la portée d’un chien agressif, au volant d’un quatre-roues, etc... Autant de vies interrompues prématurément.

Devant de telles négligences, c’est dans ma réserve d’indignation que je puise.

Au Québec, il est obligatoire de suivre des cours avant de prendre le volant d’une automobile et un permis de conduire est requis. Pour exercer son rôle de parent, rien de tel.

Je ne pense pas qu’il faille réglementer davantage le rôle de parent, mais ne devrions-nous pas tirer les leçons de chacune de ces tragédies, plutôt que de les occulter et de les javelliser sous l’étiquette « Ça peut arriver à tout le monde » ?

La responsabilité individuelle c’est un choix, une attitude, des comportements. On l’associe souvent à des devoirs, des obligations, voire une discipline. Ce n’est peut-être pas très glamour, mais en bout de piste, c’est toujours gratifiant.

Au plaisir de lire vos commentaires.

Normand de Montigny

« Entreprendre, encore et toujours »

 

vendredi 5 octobre 2012

L’État, notre nounou pour la vie !










Il y a deux ans (Juillet 2010), à l’occasion du lancement, par le Gouvernement du Québec, du programme de procréation assistée, j’y allais des quelques lignes suivantes :

Une fois de plus, l’État québécois s’illustre en devenant la première juridiction nord-américaine à subventionner la procréation assistée. Sous le couvert d’une volonté sans borne de promouvoir la famille, mais surtout la natalité, les Québécois se « donnent » un nouveau programme ultra généreux. Au mieux, il sera payé par la péréquation canadienne, jusqu’à ce que les Albertains se lassent et, au pire, ce sont les générations futures qui ramasseront la facture.

Il est même prévu qu’une personne seule pourra bénéficier du programme. Même s’il est vrai que de nos jours, des couples se séparent dans les premières années (ou mois) suivant une naissance, est-ce que nous ne pourrions pas privilégier, pour nos enfants, un meilleur départ dans la vie, entouré de 2 parents, fussent-ils du même sexe ?

La semaine dernière (1er octobre 2012), La Presse, nous présentait un cas extrême où une femme célibataire, multi poquée, dans le jargon des intervenants(es), a réussi à obtenir le service de procréation assistée. Son enfant a été pris en charge par la DPJ dès sa naissance et placé en famille d’accueil. Vraisemblablement, il ne vivra jamais  dans une vraie famille. On a créé, de toutes pièces, un enfant de la DPJ.  Un enfant de la DPJ créé par procréation assistée

Au cours de l’été 2012, le Gouvernement du Québec a signé une première convention collective avec les familles d’accueil  après avoir également « nationalisé » les garderies en milieu familial en décembre  2010. Aujourd’hui, au Québec, tout se passe comme si l’État devait prendre charge de nos vies, de la naissance (et même avant depuis juillet 2010) jusqu’à notre dernier souffle.

L'État, notre nounou pour la vie !

Il y a quelques années, nous nous sommes « donnés » ou « empruntés » au Québec, le programme d’assurance parentale le plus généreux au Canada, sinon en Amérique du Nord. L’idée est de permettre aux nouveaux parents, dans la première année de vie de leurs enfants, de partager quelques moments et de bâtir une banque de photos et de vidéos qui pourront être utilisés plus tard : « Tu vois mon fils (ou ma fille), nous étions là quand c’était important ».

Le Centre de la petite enfance (CPE) prend vite le relais, question de socialiser rapidement nos petits et de mettre à l’épreuve leur système immunitaire et celui de leurs parents. C’est également un véhicule idéal pour élargir la base du syndicalisme québécois, un des fleurons de notre modèle québécois. Il faut bien remplacer les milliers d’emplois syndiqués disparus dans le secteur manufacturier.

L’école et son Ritalin prennent rapidement la relève. L’encadrement familial est remplacé par l’encadrement pharmaceutique et la réforme scolaire. L’idée est de lisser (ou de normaliser) les comportements et les résultats. Tout le monde, il est fin ! Tout le monde réussit !

Dans les cas extrêmes, qui sont de plus en plus nombreux avec la disparition de la responsabilité familiale, les Centres Jeunesse prennent le relais et vous assurent d’une tranquillité d’esprit. Vos vacances ne seront pas gâchées et vous pourrez continuer à voyager.

Je me demande pourquoi nous n’avons pas encore nationalisé les Clubs des petits déjeuners. C’est une très bonne organisation, qui prend charge d’un autre moment important dans la journée. Son seul défaut : elle repose trop sur le bénévolat et la générosité. Nous pourrions remplacer le tout par des emplois syndiqués bien rémunérés et par une taxation additionnelle. Il y a sûrement quelqu’un qui travaille là-dessus, au Complexe G, à Québec ou sur le Boulevard Crémazie, à Montréal.

Il y a aussi un autre moment dans la journée que nous devrions davantage organiser. Entre la sortie des classes, en milieu d’après-midi, jusque vers 19 h 00, nous pourrions faire preuve de continuité dans les idées et dans les services. Pourquoi ne pas nationaliser les Maisons des jeunes et les services d’aide aux devoirs ?

Les commissions scolaires, à la recherche de nouveaux mandats et déjà responsables du transport scolaire, pourraient prendre en charge ces services et nous retourner nos enfants en début de soirée après un bon repas. Ça nous laisserait plus de temps pour nos 5 à 7, au cours desquels nous pourrions partager, avec nos collègues de travail, toute la peine que ça nous occasionne de ne pas être plus souvent avec nos enfants. Ça aussi, j’en suis sûr, quelqu’un y travaille déjà.

Je saute le CÉGEP et l’Université; c’est déjà bien organisé.

Il ne reste qu’à souhaiter, au moment où nous voudrons faire notre entrée dans notre Centre de petits vieux (CPV), que l'État se rappellera qu'Il est notre nounou pour la vie !

Au plaisir de lire vos commentaires.


Normand de Montigny

« Entreprendre, encore et toujours »


 

Ces riches qu’on aime détester















La proposition récente du nouveau gouvernement du Québec de hausser le niveau d’imposition des plus riches nous replonge au cœur des années ’70. C’est le propre des baby-boomers de vouloir revivre en boucle, quelque fois par étudiants interposés, leurs belles années de militantisme. Allez, carrés rouges et casseroles : « Faisons payer les riches »


Mon propos n’est pas d’argumenter sur le mérite ou non d’augmenter l’imposition des plus riches. À ce sujet, tout et son contraire, ont été dits, écrits et presque vomis depuis une semaine.

Là où j’ai un ras-le-bol c’est quand des sociologues de salon répètent, tels des chiens savants, que les Québécois ont un malaise vis-à-vis la richesse et que cela découle, en ligne droite, de notre passé judéo-chrétien. C’est la faute de l’Église catholique. Quelqu’un n’aurait-il pas déclaré, il y a 2 000 ans :
« Il est plus facile pour un chameau de passer par le chas d'une aiguille que pour un riche d'entrer au royaume des cieux ».

Il faut en décrocher à un moment donné.

Mon point est le suivant :

 Ce ne sont pas tous les riches, que nous aimons détester au Québec

 C’est notre présent syndicalo-anarchiste qui alimente notre malaise

 Notre malaise n’est pas envers la richesse, mais bien envers le profit

Les Québécois n’ont pas de malaise vis-à-vis la richesse en tant que telle.

Nous sommes très fiers de nos artistes qui réussissent et qui nous font vivre nos rêves par vedette interposée. La presse « people » québécoise nous alimente en continu sur la vie des gens riches et célèbres. Il ne s’en trouve pas (ou très peu) pour vilipender l’étalage de richesse et de luxe d’une Céline Dion. C’est normal, on reconnaît le talent et l’effort à la base de la réussite d’une telle vedette. La richesse est une conséquence logique et méritée.

Et que dire de nos sportifs. Si on fait exclusion de Scott Gomez, du Canadien de Montréal, les Québécois, règle générale, n’ont pas beaucoup à redire sur le salaire des joueurs de hockey professionnels. Ils travaillent fort, ils ont du talent et le salaire vient avec. La richesse affichée par nos sportifs ne nous pose pas problème.

Je me rappelle, il y a quelques années, Réjean Tremblay, éminent journaliste, faisait campagne pour que le Canadien de Montréal augmente sensiblement le salaire de José Théodore, gardien de but et Jet setter. Son argument final avait été : Vous savez, si vous allez faire votre épicerie à l’Ile des Sœurs, vous risquez de le rencontrer dans l’allée et il vous dira Bonjour en français, contrairement à d’autres joueurs du Canadien qui ne parlent même pas français et qui gagnent plus que lui. Ça avait fini de me convaincre !

Là où le malaise est évident c’est quand il est question de la richesse de nos entrepreneurs et gens d’affaires. On ne leur reconnaît pas l’effort, le talent ou la prise de risque. En fait, c’est comme si on disait : la réussite en affaires ne peut s’expliquer que par l’exploitation, par le vil entrepreneur, de sa main d’œuvre ou de sa clientèle et probablement des deux. Le profit dégagé par une entreprise privée et la richesse qui en découle sont démonisés par une large proportion de Québécois.

La raison en est bien simple : c’est le nouvel évangile, proclamé depuis plus de deux décennies, par nos élites intellectuelles et syndicalistes.

Il ne faut pas chercher bien loin pourquoi, nos jeunes Québécois, sont beaucoup moins nombreux que les autres Canadiens, à vouloir démarrer une entreprise. Ce n’est pas faute de moyens ou d’encadrement. C’est tout simplement que ce n’est pas valorisé (pour dire le moins) dans notre société.

J’expliquais récemment à un collègue, qui s’indignait (le mot est faible) du profit des banques, des pétrolières et des minières, qu’il aurait intérêt à consulter le rapport annuel de la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui bien évidemment a des participations dans ces sociétés.

Lorsque des dividendes sont versés ou que le cours de l’action s’apprécie (suite à une amélioration des profits) ce sont de bonnes nouvelles, pour la Caisse, pour les millions de Québécois cotisant à la Régie des rentes et pour tous ceux qui bénéficient des généreux régimes de pension à prestations déterminées, dont le rendement découle directement de ces placements de la Caisse.

Au plaisir de lire vos commentaires.

Normand de Montigny


« Entreprendre, encore et toujours »