dimanche 24 novembre 2013

Mon syndicat et son autobus jaune


Au moment où les autobus jaunes refont leur apparition dans nos rues et alors que les syndicats tiendront la vedette cet automne à la Commission Charbonneau, j’ai pensé vous parler de Mon syndicat et son autobus jaune.

Avant d’entrer dans cet épopée, deux courts messages :


Je salue tous les enseignants, à l’occasion de la rentrée 2013. Ils exercent un rôle central dans le développement d’une nouvelle génération de citoyens responsables. On leur reconnaît beaucoup de dévouement, souvent dans des conditions d’exercice difficiles.

Le mouvement syndical a, à certains moments de son histoire, influencé et infléchi très positivement le développement économique et social du Québec. Les syndicats ont été des promoteurs et des alliés dans la création d’un secteur coopératif fort au Québec, au siècle dernier (1900-1950). Des luttes syndicales majeures ont été déterminantes pour la construction du Québec moderne. La Grève de l’amiante (1949) et la Grève des réalisateurs de Radio-Canada (1958-1959) ont pavé la voie à la Révolution tranquille des années ’60. De grands leaders politiques ont joué un rôle central dans ces luttes : Pierre-Elliot Trudeau et René Lévesque, qui, chacun à leur façon ont, par la suite, imprégné de façon indélébile notre devenir.

Je ferme la parenthèse. De retour à notre autobus jaune.

Nous sommes une vingtaine dans un autobus scolaire.C’est un Lundi soir d’hiver, en 1965. J’ai 12 ans. Je suis un scout de la troupe Guy de Larigaudie, basée à Saint-Vincent-de-Paul.

Soudain, l’autobus ralentit et se fait lentement un passage à travers des manifestants qui frappent l’autobus avec leurs affiches sur bâtons. Nous arrivons à l’Hôpital Notre-Dame de la Merci, boulevard Gouin à Montréal. Hier soir, le chef scout m’a téléphoné à la maison pour me demander de me rendre disponible pour aider, pour une durée indéterminée, à soutenir, en situation d’urgence, les opérations de cet hôpital pour personnes âgées.

La maxime du scout est « Toujours prêt ». Sa principale préoccupation est de réaliser une bonne action (B.A.) par jour. Alors, je fais ma valise. Au cours des deux semaines qui suivront, je ferai le plein de bonnes actions.

J’avais 12 ans et n’avait pas idée de ce qu’était un syndicat ou un briseur de grève. Le Québec n’avait pas encore adopté sa Loi des services essentiels. Les centaines de résidents de cet hôpital avaient été abandonnés à leur sort. Ne restait sur place que quelques religieuses. Nous avons lavé les draps souillés, préparé les repas, lavé les planchers, fait des courses de chaises roulantes, monté une pièce de théâtre et bien dormi dans nos sacs de couchage sur des allées de quilles.

J’avais 12 ans et j’ai été confronté, pour la première fois, à la mort. Je lavais le plancher d’une chambre. Je croyais au début qu’elle dormait, mais son teint était blanc comme du lait. Elle avait encore dans la main le bouton d’appel. C’était trop tard.

Nous sommes en 2005 ou 2006. Je siège au Conseil d’administration de l’Agence de la santé, dans une ville près de chez-vous. Ce soir, nous adoptons un projet de fusion de CLSC. Aucun service ne sera coupé, aucun emploi ne sera perdu. La gestion sera éventuellement regroupée ; le nombre d’accréditations syndicales sera réduit. Soudain, alors que nous nous apprêtons à entamer la discussion autour de la table du conseil, on entend à l’extérieur, des coups de klaxon répétés. Par la fenêtre, on voit arriver…. deux autobus jaunes de syndiqués qui viendront frapper de la pancarte (c’était avant l’époque des casseroles) sur nos dossiers de chaises pour bien nous faire comprendre que ce n’était pas une bonne idée de fusionner des institutions pour réduire les coûts. (Retourner voir la photo en haut. Vous ne trouvez pas qu’il a l’air un peu intimidant mon autobus jaune avec sa barbe noire ?)

24 mars 2006. Philippe Couillard, ministre de la santé du Québec, s’apprête à prendre la parole à la tribune de la Chambre de commerce d’une ville près de chez vous. Il est en tournée pour vendre sa réforme (encore une autre) du système de santé. Soudain, un groupe d’environ 50 manifestants très bruyants, affichant les couleurs d’une centrale syndicale bien de chez nous, envahit la salle et entoure le ministre. Son garde du corps (Sûreté du Québec), solidarité oblige, a choisi ce moment pour aller en griller une dehors.
Je me dirige vers l’extérieur de la salle pour informer son garde du corps. Il est en discussion avec un contingent de la police municipale, qui, solidarité oblige, laissera la tempête passer. Au passage, je remarque, dans le stationnement de l’hôtel…. deux autobus jaunes. Je me demande, encore aujourd’hui, comment ces grands taupins intimidants arrivent à se plier les jambes pour entrer dans les bancs d’un autobus d’écolier. Ça, c’est une autre histoire.

Bien que je n’aie jamais pris un autobus scolaire pour me rendre à l’école, ma vie est peuplée de rencontres marquantes avec des autobus jaunes.

Sur ce, je vous laisse…. Qu’est-ce que j’entends ? Un autobus jaune vient de s’arrêter devant chez-moi. J’espère vous écrire de nouveau bientôt, si je ne suis pas trop « plâtré ».


Au plaisir de lire vos commentaires.

Normand de Montigny

« Entreprendre, encore et toujours »



2 commentaires:

  1. Le problème des centrales syndicales d'aujourd'hui c'est qu'elles mènent leurs batailles comme elles les menaient au début du 20e siècle alors que l'establishment anglais écrasait le pauvre travailleur québécois sous sa masse "impériale"!

    Évidemment, les 100 dernières années ont été les témoins privilégiées d'un nombre important de changements (lire: révolutions) dans la plupart des sphères socio-économiques/culturelles québécoises -- le tableau a littéralement été repeint depuis cette période d'asservissement.

    À l'opposé, le syndicalisme québécois semble avoir oublié de se renouveler, défendant ses membres, ses causes et ses idées à l'aide des mêmes vieux outils de l'époque: la revendication, la confrontation et l'intimidation.

    Si par le passé le syndicalisme a su jouer un rôle marquant au Québec en permettant notamment à ce dernier de se forger une identité propre couplée d'un profil économique, politique et culturel international -- Aujourd'hui, le syndicalisme québécois est devenu une grosse machine crasse, surdimensionnée et surtout suralimentée qui se nourrit (lire: se gave) de la peur des gouvernements, employeurs et même de certains employés/membres/citoyens qui doivent nécessairement "faire affaire" avec eux faute de quoi ils se verraient écrasés sous le poids de ce rouleau-compresseur antipathique!

    Au final, c'est ce même grand libérateur du peuple (à l'époque) qui aujourd'hui s'est transformé en oppresseur: véritable épine dans le pied de notre grand projet collectif -- Le Québec.

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  2. Merci Philippe pour ton commentaire très éclairé, que je partage dans les grandes lignes. Ce qui me préoccupe le plus, c'est que le syndicalisme s'est replié sur lui-même. Il défend des acquis qu'il sait impossible à maintenir à long terme et il le fait en refilant la facture aux générations futures.

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