jeudi 24 octobre 2013

Lampedusa, récif de l’espoir

  
Le 3 octobre dernier, Lampedusa revenait dans l’actualité. Une fois de plus, cette petite île au large de la Sicile, se voyait le théâtre d’un autre drame humain. Ce sont 366 migrants qui ont perdu la vie, lorsque leur frêle embarcation a chaviré en pleine Méditerranée.

Les passagers avaient quitté leur pays natal, pour la plupart en Afrique de l’Est, pour tenter de refaire leur vie, d’améliorer leur condition, dans un pays d’Europe, qui voudrait bien les accueillir.

C’est le propre de tout individu, de tout parent, de vouloir améliorer son sort et celui de ses enfants. C’est mû par une telle motivation, que de tout temps, les migrants ont choisi de tout laisser derrière et de foncer vers une nouvelle vie, vers l’inconnu.

Le courage dont ils font preuve est, à mon avis, à classer dans la même catégorie que celui de Christophe Colomb, en 1492, ou des pompiers de New-York, le matin du 11 septembre 2001.

Bien sûr, comme tout le monde, le 3 octobre dernier, j’ai pensé à l’exploitation de ces migrants par des passeurs crapuleux, aux lois d’immigration pas assez ou trop restrictives, c’est selon. Mais, j’ai surtout pensé à tous ces drames humains individuels qui se sont joués cette nuit-là. Chacun mériterait sans doute qu’on en tire un livre ou un film, un peu comme l’Histoire de Pi. Cette nuit-là, le rêve et l’espoir de centaines de familles se sont brisés sur le récif de Lampedusa.

Warren Buffet, financier à succès, déclarait dans une récente entrevue, accorder une bonne partie de sa réussite à la chance. Et au premier rang de cette chance, celle d’être né aux Etats-Unis. Ça m’a amené à tenter de me projeter : quelle serait ma vie quotidienne aujourd’hui si j’étais né en Érythrée, plutôt qu’au Canada ? Est-ce que j’aurais, moi aussi, entrepris un voyage périlleux sur une frêle embarcation ?

Ces jours-ci, en France, on discute beaucoup (c’est le propre des Français) du Droit du sol et du Droit du sang. Si un de vos parents est Français, dès votre naissance, vous devenez citoyen français. C’est le Droit du sang. Si vous naissez en territoire français, mais qu’aucun de vos parents n’a la citoyenneté française, vous devenez citoyen français en vertu du Droit du sol. Je simplifie.

J’ai poussé ma réflexion un peu plus loin en voulant intégrer la notion de droit de propriété, sur un territoire national ou sur un terrain privé. Est-ce que le fait de conquérir un territoire par la force des armes (c’est le cas de la quasi-totalité des pays dans le monde) confère au peuple conquérant, un droit de propriété sur le territoire national ? Et question en découlant : Est-ce qu’un tel droit de propriété, s’il en est un, confère le droit d’en refuser l’accès à des immigrants ?

Pour plusieurs, ce n’est que récemment que nous avons compris que si nous sommes propriétaire d’un terrain privé, sur lequel est construite notre maison, en fait ce n’est qu’une mince couche de terre en surface qui nous appartient. Tout ce qui est en dessous et ce jusqu’au centre de la Terre, est du domaine public. Le gouvernement peut en disposer comme il veut, notamment en accordant des droits miniers.

Comme vous voyez, la notion de droit de propriété est très relative. Il faut plutôt parler de droit d’occupation d’un territoire.

Certains pays ont une densité de population très élevée, c’est le cas du Bangladesh avec 1083 habitants au kilomètre carré, comparativement au Canada avec 3.

Au cours des prochaines années, les conflits politiques, les guerres, les enjeux environnementaux et le désir d’améliorer son sort pousseront, à de nouveaux sommets, les flux migratoires. Serons-nous accueillants ? Je ne m’attarderai pas ici sur la nécessité d’intégration des nouveaux arrivants et sur les impératifs de protéger notre culture ; c’est un autre sujet.

Je reviens à mon embarcation du début. Il m’est d’avis que les 7 168 386 541 habitants que compte notre planète ce matin, sont passagers d’un seul et même bateau. Certains, il est vrai, voyagent en cabine luxueuse, tandis que d’autres sont confinés à la cale et aspirent à une meilleure situation.

La façon dont nous répondrons à ces aspirations légitimes sera déterminante quant au devenir de l’humanité.


Au plaisir de lire vos commentaires.

Normand de Montigny

« Entreprendre, encore et toujours »







mercredi 9 octobre 2013

Plan économique du Québec : au bout de nos cartouches ?

En grande pompe, le Gouvernement du Québec a lancé son plan économique Priorité emploi.

Deux milliards de dollars seront investis dans différentes mesures avec l’espoir que le secteur privé embarquera et, qu’au bout du compte, c’est plus de treize milliards de dollars d’investissements privés qui seront générés.

Rien dans cette annonce ne tranche avec tout ce qui a été essayé précédemment pour sortir le Québec de son déclin tranquille. Pour ma part, deux questions ont surgi immédiatement :

-  Est-ce qu’une plus grosse dose de quelque chose qui ne fonctionne pas peut, cette fois-ci, réussir ?
-  Est-ce que le Québec en est rendu à utiliser ses dernières cartouches (marge budgétaire) ?

La créativité n’était manifestement pas au rendez-vous, hormis peut-être cette idée de l’électrification des transports.

On se contente, encore une fois, de viser les mêmes cibles, à savoir, construction, universités, adéquation formation-emploi, innovation, énergie verte, investissements étrangers, en utilisant les moyens habituels que sont les subventions, crédits d’impôts, énergie à rabais et travaux d’infrastructure.

Quelles sont les réactions de nos élites ?

Les partis d’opposition s’interrogent sur la disponibilité des fonds pour financer ce plan. Une question qu’ils ne se sont jamais posée, lorsqu’il étaient au pouvoir. C’est pourquoi nous sommes si endettés.

Les représentants des entreprises, fortement intoxiqués par les milliards de dollars de subvention qu’ils reçoivent déjà, sont favorables à ce nouveau plan. Ils ont depuis longtemps perdu tout sens critique.

Les syndicats se sont prononcés en faveur de ce nouveau plan. Ce n’est pas surprenant et c’est inquiétant. Ça indique bien que nous nous enfonçons toujours plus dans un système, celui du sanctuaire économique des droits acquis.

Un point qui mérite qu’on y revienne, celui de l’adéquation entre la formation et l’emploi. Voilà un vœu pieux qui bat des records de longévité. Au Québec, c’est connu, nous sommes contre la « marchandisation » de l’éducation. L’adéquation formation-emploi, qui serait l’action la plus structurante à mettre de l’avant, demeurera un vœu pieux, d’autant plus qu’on se plait à en faire un sujet de discorde fédéral-provincial.

Pendant ce temps, plusieurs secteurs industriels voient leur croissance freinée, faute de main d’œuvre spécialisée.

Tant qu’on ne changera pas nos cibles et notre approche, nous continuerons d’assister à des lancements réussis de politiques économiques qui ne livrent pas.

De beaux effets de toge, comme diraient nos amis avocats.

 
Au plaisir de lire vos commentaires.

Normand de Montigny


« Entreprendre, encore et toujours »






dimanche 6 octobre 2013

Réchauffement climatique : on attend quoi ?

Carl Camiré, Vestige méditatif

Il y a quelques jours, le GIEC  (Groupe international des experts du climat) publiait les premiers éléments scientifiques de son 5ième rapport sur les changements climatiques.

Les faits saillants sont sans équivoque :
     - Le réchauffement de l’atmosphère terrestre se continue

     - Il y a 95% de probabilité que ce réchauffement soit attribuable, en grande partie, aux gaz à effet de serre,  découlant de l’activité humaine.


Pour ma part, j’y vois une mauvaise et une bonne nouvelle, La mauvaise d’abord : malgré les alertes précédentes, notamment depuis la Conférence de Rio en 1992, la situation continue de se détériorer.


La bonne nouvelle : le réchauffement climatique est attribuable, en grande partie, à l’activité humaine. Pourquoi j’y vois une bonne nouvelle ? Tout simplement, parce que ça signifie également qu’un retournement de situation (mettre fin au réchauffement) pourrait également découler d’une action humaine, nécessairement concertée et vigoureuse. Nous ne sommes pas dans une situation où il n’y a pas de solution, comme ce serait le cas, par exemple, si la terre avait quitté son orbite traditionnelle autour du soleil pour s’en approcher inexorablement !

Alors, on attend quoi pour agir ? En fait le problème est que nous assistons à un phénomène (le réchauffement) qui se produit à un rythme très lent, s’étalant sur plusieurs décennies. Pour le Canada, par exemple, on estime que le réchauffement climatique pourrait signifier une demi-journée de moins, par année, de conditions hivernales (Ce matin-là on ira jouer au bowling, plutôt que faire du ski ! – Je parle pour les Québécois qui ne passent pas leur hiver dans le Sud). Ailleurs, des périodes de sécheresse un peu plus longues ou la hausse du niveau de la mer qui gruge davantage les berges. Rien de spectaculaire et rien pour motiver le politicien moyen qui voit rarement plus loin que sur un horizon de 3 à 4 ans (cycle de sa réélection).


Imaginons, pour un instant, qu’au lieu du réchauffement climatique, l’humanité est confrontée à une collision imminente (probabilité de 95%) avec un astéroïde de la taille du Texas. Nous avons tous vu le film Armageddon (1998) ou un des nombreux films sur le même thème qui ont suivi. Tous les cerveaux, les talents, les moyens techniques et financiers nationaux et internationaux seraient mobilisés vers un seul objectif : empêcher la collision.


L’enjeu de la lutte au réchauffement climatique est du même ordre et commande le même type d’effort et de détermination. Rien de moins.


Un modèle de croissance à revoir



Dans un billet précédent Croissance: Stop ou encore  j’aborde cette question d’une croissance infinie dans un monde aux ressources limitées. Le modèle de croissance économique occidental des années 1960 à 2008, ne peut être maintenu, alors même que les pays émergents affichent les mêmes ambitions.


Hervé Kempf, en tournée au Québec la semaine dernière, est l’auteur de Fin de l'Occident, naissance du monde . Titre choc qui nous fait réfléchir et dont je partage la conclusion centrale : il ne sera pas possible de maintenir le modèle de consommation de l’Occident et d’accommoder une croissance suffisante dans les pays émergents. Nécessairement l’Occident devra reculer. Là où je diverge, c’est  qu’il fait reposer la solution principalement (uniquement ?) sur la redistribution de la richesse, en détroussant l’oligarchie mondiale.


Il est indéniable que 1% de la population, les plus fortunés de la planète, contrôle 45% de la richesse mondiale. Les 50% les moins fortunés se partagent 1%. L’Amérique du Nord et l’Europe accaparent 67%. (Crédit Suisse, Global Wealth Data Book 2012). Il s’agit là d’un partage très inégal du patrimoine mondial. Certaines nations, pas toutes en Occident d’ailleurs, sont très inégalitaires. Des mouvements de soulèvement ont ébranlé les oligarchies de plusieurs pays en 2012, sans pour autant entraîner une amélioration (pas encore) de la situation des classes pauvres (Tunisie, Libye, Égypte). Le Québec est une société plus égalitaire que la plupart des autres juridictions en Amérique du Nord et on ne peut que s’en réjouir.


Il faut voir au-delà de la richesse accaparée par l’oligarchie, car, pour une bonne part, elle n’est que thésaurisation (consommation reportée) qui entraîne relativement peu de pression sur les ressources naturelles limitées.


La solution au réchauffement climatique viendra bien plus d’un changement du modèle de croissance économique (consommation et production), qui devra toucher le mode de vie de l’ensemble des classes moyennes des pays occidentaux et non pas uniquement l’oligarchie du 1%.


Deux exemples bien simples :



Un oligarque russe, qui possède une villa valant 500 millions d’euros sur la Côte d’azur, devant laquelle est amarré son yacht de 162,5 mètres (valeur de 380M $), n’a pourtant qu’un seul estomac. À son menu quotidien, on retrouve assurément de la viande, tout comme n’importe quel quidam de la classe moyenne. Or produire un kilogramme de viande de bœuf requiert la production de 10 kilogrammes de céréales; c’est qu’elle bouffe cette petite bête.


En 2009, les classes moyennes des pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Indonésie…) comptaient 525 millions d’individus; ils seront plus de 1 740 millions en 2020 et 3 228 millions en 2030. Il est démontré, depuis plusieurs années, que les familles qui quittent la pauvreté et accèdent à la classe moyenne, augmentent considérablement leur consommation de viande. Compte tenu des superficies agricoles disponibles, il sera impossible de produire les quantités additionnelles de céréales pour rencontrer les besoins nutritionnels de ces populations.


La croissance économique, ce n’est pas que la consommation, c’est aussi la production requise pour rencontrer cette consommation. L’exemple de la production d’aluminium, que nous connaissons bien au Québec, est très éloquent.


La Chine, tout comme le Québec, cherche à créer des emplois en région, en utilisant les sources d’énergie disponibles. Au Québec, on maintient avec beaucoup de difficulté et à grands frais (tarifs d’électricité réduits) des alumineries au Lac Saint-Jean, sur la Côte-Nord et en Mauricie.


Pendant ce temps, la Chine a décidé de produire l’aluminium requis pour ses propres besoins, soit 40% du marché mondial. La région de Xinjiang (nord-ouest) recèle des réserves abondantes de charbon utilisées pour produire l’électricité requise par les alumineries. On peut imaginer les gaz à effet de serre ainsi produits.


En conclusion



La Chine, c’est bien loin et hors de notre réelle zone d’influence. Par contre, il nous est possible d’agir localement et de modifier certaines de nos habitudes de consommation, voire nos habitudes de vie.


Ce sont les classes moyennes d’ici et d’ailleurs qui disposent de la masse critique nécessaire pour modifier la trajectoire du réchauffement climatique ou de l’astéroïde. Encore faut-il agir en temps utile. IL EST GRAND TEMPS …



Au plaisir de lire vos commentaires.


Normand de Montigny


« Entreprendre, encore et toujours »