vendredi 13 février 2015

Famille, Ô Famille, où vas-tu ?



Dorénavant, un grand-père sera syndiqué et rémunéré pour prendre charge de son petit-fils, si ce dernier est référé par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). C’est un des faits troublants révélés dans un article paru récemment dans La Presse.

Dans le cadre d’un nouveau programme de bonification de la rémunération des familles d’accueil, des membres de la famille rapprochée d’enfants référés par la DPJ seront dorénavant rémunérés pour agir comme famille d’accueil.

Plusieurs intervenants, notamment de la DPJ, craignent une dérive possible et constatent déjà de nouveaux comportements questionnables.

Déjà en 2012, j’avais tiqué à l’annonce de la signature d’une première convention collective entre les familles d’accueil et le Ministère de la santé et des services sociaux du Québec. La Centrale des syndicats démocratiques (CSD) soulignait qu’il s’agissait là de la reconnaissance qu’être « famille d’accueil » c’est un véritable travail. D’ailleurs, la CSD avait eu recours à l’Organisation internationale du travail (ONU) pour forcer la main au Gouvernement du Québec.

Comprenons-nous bien, être syndiqué et régi par une convention collective n’est pas incompatible avec la « tâche » de dispenser des soins ou des services avec empathie, voire même avec amour.

Mais c’est loin, très loin de ce que j’ai en tête quand je pense « famille d’accueil ».

Dans mon adolescence, au début des années ’70, ma famille (un papa, une maman et trois garçons) a accueilli et hébergé, pendant 2 ans, 2 petites sœurs, le temps que leur mère reprenne le contrôle de sa vie. C’était la famille d’accueil du temps : du bénévolat et surtout beaucoup d’amour et le déchirement quand elles nous ont quitté.

Revenons en 2015. Placé devant une nouvelle organisation ou une nouvelle approche, j’ai pour habitude, de pousser la logique (ou le système) à sa limite pour voir où ça nous mènerait. Et quelquefois, la réalité dépasse la fiction.

Est-ce qu’on peut penser qu’un jour, lors du déclenchement d’une grève des familles d’accueil, les enfants seront « déposés » sur le parvis de la DPJ, le temps que ça se règle ? On s’en reparle dans 2 ans. N’oubliez pas que la Cour suprême du Canada vient d’invalider une loi sur les services essentiels de la Saskatchewan.

En 2012, dans mon billet « L’État, notre nounou pour la vie », j’évoquais l’expropriation (voire la nationalisation) progressive de la famille dans plusieurs de ses responsabilités.

Même s’il est vrai, que devenir parent ne vient pas avec un mode d’emploi, la très grande majorité des parents savent s’y prendre et réussissent très bien dans leur « métier » de parent. Pour les cas où l’intervention des autorités publiques est requise, notamment pour la sécurité de l’enfant, il ne faut pas hésiter à agir.

En 1793, dans la foulée de la révolution française, Danton déclarait  « Il est temps de rétablir ce grand principe qu’on semble méconnaître : que les enfants appartiennent à la République avant d’appartenir à leurs parents. »

On sait que nos élites au Québec ont trop souvent le regard tourné vers la France. On ne compte plus leurs politiques et mesures sociales que nous avons implantées ici.

J’ose croire que nous ne nous dirigeons pas vers une plus grande appropriation de nos enfants par l’État. Les enfants n’appartiennent pas à l’État, pas plus d’ailleurs qu’ils n’appartiennent à leurs parents. En fait, ils s’appartiennent, mais ont besoin, pendant leurs premières années de vie, d’un cadre familial sécuritaire, aimant et stimulant. Ils auront bien le temps de connaître ce qu’est un milieu de travail, un syndicat, une convention collective et une grève.


Au plaisir de lire vos commentaires.

Normand de Montigny

« Entreprendre, encore et toujours »