Dorénavant, un grand-père
sera syndiqué et rémunéré pour prendre charge de son petit-fils, si ce dernier
est référé par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). C’est un des
faits troublants révélés dans un article paru récemment dans La Presse.
Dans le cadre d’un nouveau
programme de bonification de la rémunération des familles d’accueil, des
membres de la famille rapprochée d’enfants référés par la DPJ seront dorénavant
rémunérés pour agir comme famille d’accueil.
Plusieurs intervenants,
notamment de la DPJ, craignent une dérive possible et constatent déjà de
nouveaux comportements questionnables.
Déjà en 2012, j’avais tiqué
à l’annonce de la signature d’une première convention collective entre les
familles d’accueil et le Ministère de la santé et des services sociaux du
Québec. La Centrale des syndicats démocratiques (CSD) soulignait qu’il
s’agissait là de la reconnaissance qu’être « famille d’accueil »
c’est un véritable travail. D’ailleurs, la CSD avait eu recours à
l’Organisation internationale du travail (ONU) pour forcer la main au
Gouvernement du Québec.
Comprenons-nous bien, être
syndiqué et régi par une convention collective n’est pas incompatible avec la
« tâche » de dispenser des soins ou des services avec empathie, voire
même avec amour.
Mais c’est loin, très loin
de ce que j’ai en tête quand je pense « famille d’accueil ».
Dans mon adolescence, au
début des années ’70, ma famille (un papa, une maman et trois garçons) a
accueilli et hébergé, pendant 2 ans, 2 petites sœurs, le temps que leur mère
reprenne le contrôle de sa vie. C’était la famille d’accueil du temps : du
bénévolat et surtout beaucoup d’amour et le déchirement quand elles nous ont
quitté.
Revenons en 2015. Placé
devant une nouvelle organisation ou une nouvelle approche, j’ai pour habitude,
de pousser la logique (ou le système) à sa limite pour voir où ça nous
mènerait. Et quelquefois, la réalité dépasse la fiction.
Est-ce qu’on peut penser
qu’un jour, lors du déclenchement d’une grève des familles d’accueil, les
enfants seront « déposés » sur le parvis de la DPJ, le temps que ça
se règle ? On s’en reparle dans 2 ans. N’oubliez pas que la Cour suprême
du Canada vient d’invalider une loi sur les services essentiels de la
Saskatchewan.
En 2012, dans mon billet
« L’État, notre nounou pour la vie », j’évoquais l’expropriation
(voire la nationalisation) progressive de la famille dans plusieurs de ses
responsabilités.
Même s’il est vrai, que
devenir parent ne vient pas avec un mode d’emploi, la très grande majorité des
parents savent s’y prendre et réussissent très bien dans leur
« métier » de parent. Pour les cas où l’intervention des autorités
publiques est requise, notamment pour la sécurité de l’enfant, il ne faut pas
hésiter à agir.
En 1793, dans la foulée de
la révolution française, Danton déclarait « Il est temps de rétablir
ce grand principe qu’on semble méconnaître : que les enfants appartiennent
à la République avant d’appartenir à leurs parents. »
On sait que nos élites au
Québec ont trop souvent le regard tourné vers la France. On ne compte plus
leurs politiques et mesures sociales que nous avons implantées ici.
J’ose croire que nous ne
nous dirigeons pas vers une plus grande appropriation de nos enfants par
l’État. Les enfants n’appartiennent pas à l’État, pas plus d’ailleurs qu’ils
n’appartiennent à leurs parents. En fait, ils s’appartiennent, mais ont besoin,
pendant leurs premières années de vie, d’un cadre familial sécuritaire, aimant
et stimulant. Ils auront bien le temps de connaître ce qu’est un milieu de
travail, un syndicat, une convention collective et une grève.
Au plaisir de lire vos
commentaires.
Normand de Montigny
« Entreprendre,
encore et toujours »