Quel choc j’ai eu cette
semaine !
La piscine de mon enfance
n’est plus. Trois monstres mécaniques jaunes ont, sans pitié, mis fin à 54 ans
d’histoire.
Et quelle
histoire ! La piscine de
Saint-Vincent-de-Paul (Laval) avait été inaugurée en grande pompe en 1960. J’ai
revu ce matin, le film Super 8 du paternel. J’y étais cette journée-là, comme
des milliers d’autres, pour assister à une cérémonie « hallucinante »
comme on dirait aujourd’hui. L’évêque qui bénit la piscine, le maire qui y va
d’un discours en trois langues, la fanfare de l’heure au Québec, qui descend
progressivement, tout costumé, dans l’eau, des démonstrations de plongeon…
Saint-Vincent-de-Paul, c’est
à l’époque, un village de 11 214 « âmes » (habitants). La
piscine revendique le titre de la plus grande piscine extérieure en Amérique du
Nord. Le succès est instantané. Des centaines de jeunes, dont je suis, prennent
d’assaut, jour après jour, cette superbe piscine. Nous y passons tous nos
après-midis d’été. Il faut arriver tôt pour se trouver une place où poser sa
serviette. Et pour se dégager une place dans la piscine, il faut jouer du
coude. Les « lifegards » sont du type «Alerte à Malibu». Pas de
parasol, pas de crème solaire.
Revenons à
Saint-Vincent-de-Paul. Ce village, qui sera intégré dans Ville de Laval en
1965, a une longue histoire qui remonte à 1740. Il est surtout connu pour son
célèbre pénitencier à sécurité maximum (aujourd’hui on dit établissement
ou centre de formation) et ses célèbres émeutes. Oui, à l’époque, pour s’évader
de prison, il fallait créer de toute pièce une émeute, mettre le feu au
bâtiment et tenter, dans la cohue, de se faufiler à travers les pompiers, pour
trouver la sortie. Les gardiens étaient armés et se servaient de leurs armes. C’était
avant la méthode « hélicoptère » beaucoup plus simple.
Revenons au maire de
Saint-Vincent-de-Paul. Rodolphe Lavoie, n’a rien d’un timoré. Lors d’une de ses promenades aux abords d’une
immense carrière abandonnée, il imagine ce qui deviendra, quelques années plus
tard, le Centre de la nature ». Je
me rappelle la maquette présentée par le maire ; tout y est déjà, incluant
bien sûr, cette superbe piscine.
Il faut dire qu’au début
des années ’60, le Québec connaît une période d’effervescence. C’est le
« Maître chez-nous » de Jean Lesage. On construit le métro de
Montréal. On ne sait pas où mettre toute la terre dégagée par les tunnels du
métro. Alors on construit une île (Île Notre-Dame) face à
Montréal. On ne sait pas quoi faire de cette île. Alors on organise
l’Exposition universelle de Montréal (Expo 67). Je résume là.
Les nouvelles écoles sont
construites et livrées à un rythme d’enfer. Dans ma seule deuxième année du
primaire (1960-1961), je fréquente 3 écoles complètement neuves, toutes situées
à Saint-Vincent-de-Paul.
L’État québécois moderne
se met en place. La Caisse de dépôt et placement est créée en 1965 et plusieurs
autres institutions suivront. On nationalise l’électricité. Le
fameux « modèle québécois » prend forme.
Suffit la nostalgie, suffit l’immuabilité
La méga piscine de Saint-Vincent-de-Paul a bien servi
la population pendant plus de 50 ans. Mais depuis quelques années déjà, la
fréquentation avait diminué et les coûts d’entretien augmentaient sans cesse. Pourtant,
un peu comme le « modèle québécois », pour plusieurs, elle
apparaissait immuable.
Je continue avec ce parallèle (piscine - modèle
québécois), pour la suite des choses. Par quoi, on remplace la super piscine.
Il y a deux approches :
- L’approche traditionnelle du « modèle québécois » : Il faut respecter la part historique de Saint-Vincent-de-Paul dans l’offre totale de piscines publiques dans Laval, au moment de la fusion des villes en 1965. C’est un droit acquis. Alors on reconstruit cette piscine, telle quelle, peu importent les besoins ou les coûts. Pour contrer la faible fréquentation des baigneurs, il n’y a qu’à passer un règlement pour interdire les piscines privées résidentielles. C’est connu, ces piscines, apanage des riches, vont à l’encontre d’une utilisation respectueuse de l’eau (bien collectif), alors qu’une piscine publique, un peu comme un Centre de la petite enfance (CPE), favorise une plus grande socialisation des enfants et les prépare à mieux affronter les défis du futur.
- La nouvelle approche,
que j’aimerais voir : On ajuste l’offre en fonction des besoins (des
besoins, pas de la demande) et de la capacité de payer et on évalue la
compétitivité dans la livraison du service (public ou privé). Il faut voir
au-delà de la piscine. Et si c’était une piste cyclable additionnelle ou
un circuit d’hébertisme qu’il nous fallait, plutôt qu’une piscine.
Cet automne, nos habitudes et nos acquis seront questionnés,
voire bousculés. Il appartient, à chacun d’entre nous, de continuer de vivre
dans la nostalgie et l’immuabilité ou d’imaginer un futur meilleur pour les
générations qui nos suivent.
La morale de l’essentiel consiste à
laisser,
aux générations suivantes,
un monde qui mérite d’être vécu.
Kenzaburô Ôe
Au
plaisir de lire vos commentaires.
Normand de
Montigny
« Entreprendre, encore et toujours »
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