Ce blogue met en lumière les initiatives, les décisions, les politiques, les embûches et les succès sur la voie d'une plus grande responsabilisation du Québec... et surtout des Québécois.
mercredi 5 septembre 2012
Notre sanctuaire économique québécois
Si vous n’avez jamais visité l’île Bonaventure en Gaspésie, je vous le suggère fortement. C’est très impressionnant de voir de près la plus importante colonie de Fous de Bassan dans le monde. Ils sont plus de 120 000 à y passer l’été, pour la période de reproduction et de nidification.
Dans ce véritable sanctuaire, Ils sont protégés des prédateurs et de l’intervention humaine. Le soir venu, tous les visiteurs doivent quitter l’île qui, par ailleurs, ne compte pas de résidents permanents. Un sanctuaire, selon le Petit Larousse, c'est un asile sacré et inviolable; un asile n'étant rien d'autre qu'un lieu où l'on se met à l'abri. Est-ce que cela ne décrit pas à la perfection notre modèle québécois figé depuis plus de 40 ans ?
Autant nos technocrates, incluant nos élites universitaires, se sont faits, dans les années ’80 et ’90, les chantres de la mondialisation de l'économie et des accords commerciaux internationaux, autant ils se réfugient aujourd'hui derrière les barricades des droits acquis, des conventions collectives, de la sécurité d'emploi bétonnée. Tout comme les banques canadiennes qui, au milieu des années '80, se sont prononcées en faveur de l'accord de libre échange avec les États-Unis, à la condition qu'elles en soient exemptées, notre secteur public exige des entreprises qu'elles soient compétitives à l'échelle internationale mais refuse de se soumettre au même exercice qui exigerait des ajustements importants au modèle québécois.
Notre secteur public québécois ressemble de plus en plus à une forteresse du Moyen-Âge. On accepte que, durant la journée, des occasionnels, des statuts précaires ou des travailleurs de l'économie sociale viennent, à l'intérieur de la forteresse, faire le ménage, préparer les repas, tout en apportant de l'eau et un peu de bois, mais, aussitôt le soir venu, on les expulse avant de remonter les ponts-levis jusqu'au lendemain. Nos élites sortent de moins en moins souvent de leur forteresse; ils disent ne plus avoir les moyens de se déplacer, mais il faut lire qu'ils craignent d'affronter une réalité qu'ils comprennent de moins en moins.
La forteresse coûte de plus en plus cher à opérer. Heureusement le Seigneur (l'État et les centrales syndicales) peut compter sur des censitaires (les contribuables) en grande majorité captifs ne pouvant quitter pour un ciel fiscal plus clément (On n'a pas tous un compte de la CIBC aux Îles Caïmans).
Peut-on raisonnablement penser que le sanctuaire économique québécois pourra encore longtemps puiser sans retenue dans les ressources économiques du pays (ça inclut la péréquation canadienne) tout en se délestant de nombreuses responsabilités ?
Peut-on raisonnablement penser que le sanctuaire économique québécois pourra encore longtemps ignorer ce qui se passe autour de lui, dans la vraie vie, ignorer les ajustements apportés par les autres gouvernements, ignorer la nouvelle génération que l'on expulse, sans ménagement, de la forteresse, le soir venu ?
Les lignes ci-dessus, je les écrivais en 1996, dans la foulée du grand Sommet sur l’économie et l’emploi du Québec, cette grande messe présidée par Lucien Bouchard, premier ministre du Québec. Ce sommet devait consacrer les ajustements à apporter, à notre merveilleux modèle québécois, par l’Alliance sacrée (État et Syndicats) qui nous gouverne sans interruption depuis 1976.
Les principales décisions (ajustements) du Sommet de 1996 furent :
- Introduction de l’assurance parentale : pour renouveler la base des contribuables dans 20 ans
- Implantation des Centres de la petite enfance (CPE) : pour renouveler la base des emplois syndiqués
- Chantiers de l’économie sociale : pour remplir, à moindre coût, en sous-traitance, les obligations de service du gouvernement
- Assainissement des finances publiques : atteinte du déficit zéro suite aux pressions des agences de notation (prêteurs internationaux)
Ces ajustements mineurs au modèle québécois, ont permis, une nouvelle fois, de pelleter par en avant et de reporter les véritables changements.
Qu’en sera-t-il en 2012 ou 2013 ? Nous aurons probablement à traverser un psychodrame collectif du même type qu’en 1996-1997. Le calendrier nous sera encore une fois imposé par des pressions externes.
La campagne électorale de l’été 2012 a, à peine, effleuré les enjeux qui nous attendent au tournant du chemin :
- Rétablir une base de prospérité (création de richesse) à la hauteur des services collectifs que l’on veut se donner (se donner, pas s’emprunter)
- Investir en éducation en allégeant les bureaucraties, tout en favorisant une plus grande adéquation avec les besoins du Québec
- Cesser d’investir en santé (c’est un puits sans fond). Alléger les structures et avoir le courage d’appliquer les correctifs visant à améliorer l’accès aux soins de santé
- Rétablir une équité intergénérationnelle : reprendre le contrôle de la dette publique et apporter les correctifs qui s’imposent quant aux obligations (employeurs et employés) liées aux programmes de retraites à prestation déterminée
- Favoriser une plus grande responsabilisation des québécois (moins de dépendance vis-à-vis des services publics) de façon à dégager une marge de manœuvre plus grande pour aider les personnes en difficulté
Le Fou de Bassan, quittera bientôt l’île Bonaventure pour son pèlerinage annuel dans le Sud (Mexique). Il voit bien qu’il partage le ciel avec d’autres espèces d’oiseaux et qu’il survole des contrées au relief accidenté. Mais pas de souci ! Il sait qu’il bénéficie d’une solide protection. Il vit sur une île. Il vit dans un sanctuaire.
Au plaisir de lire vos commentaires.
Normand de Montigny
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Super! J'adore votre façon de penser.
RépondreSupprimerDommage qu'aux dernières élections aucun parti ne cadrait avec cette mentalité. Ils désirent toujours dépenser et promettre d'avantage pour "acheter des votes".
Je suis peut-être un peu négatif mais je nous vois très bien frapper un mur d'ici 5 à 10 ans si rien n'est fait.
Quand la carte de crédit est chargée au maximum, qu'une baisse des revenus est prévisible (vieillissement de la population), une augmentation des dépense est à venir (santé + pensions) et que les taux d'intérêts vont monter prochainement, la dernière chose à faire c'est d'emprunter d'avantage. Surtout s'il est déjà impossible de finir une année sans emprunter pour payer les dépenses d'épiceries.
Merci Yannick pour ton commentaire. J'aurai l'occasion de revenir sur le sujet du "mur devant nous".
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